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28 Juin : Il se passe quelque chose au Luxembourg.

En amont de la manifestation nationale du 28 juin, une réunion réunissant syndicats, associations et ONG a donné un aperçu de la détermination qui grandit dans la société civile.


« Il se passe quelque chose ». En ce soir du 5 juin une réunion est en cours au casino syndical à Luxembourg ville. Le front syndical accueille des délégué.e.s de l’association ASTI, du CELL et de la campagne devoir de vigilance. Dans la salle on croise aussi des responsables de Greenpeace, de l’ASTM, d’Amnesty, ou du parti Déi Lénk.

 

« Il se passe quelque chose » souffle une nouvelle fois Jean Marie Drobisz, délégué syndical OGBL pour la section transfrontalière, alors que la réunion tarde un peu à démarrer. D’après ses remontées de terrain les fédérations se sont emparées du mot « grève » et ce sont elles qui le poussent vers la direction des syndicats. Les plénières avec les membres du syndicat étant pleines, il reste un défi pour amplifier la dynamique…Convaincre le reste de la population active du pays.


Le visuel publié par l'OGBL et la LCGB pour appeler à la manifestation nationale du 28 juin 2025.
Le visuel publié par l'OGBL et la LCGB pour appeler à la manifestation nationale du 28 juin 2025.

 

La colère gronde et pour cause, la politique que pousse le gouvernement est une véritable rupture avec les coalitions passées. C’est en tout cas l’analyse de Patrick Dury, président de la LCGB. « Jusqu’à présent nous avions évité toutes les erreurs de pays voisins pour protéger notre modèle social » insiste-t-il « Mais ça y est le gouvernement veut rompre ce modèle et commettre les erreurs des pays voisins. Nous risquons l’émergence de propositions autoritaires comme le veut un certain parti luxembourgeois ».

 

Toutes les personnes présentes semblent partager cette sensation de bascule. Nora Back, la présidente de l’OGBL, abonde dans le même sens en précisant qu’à ses yeux cette bascule porte un nom, c’est une « rupture néolibérale ». La dirigeante syndicale s’inquiète de voir la situation se dégrader sur tous les fronts, que l’on parle de travail, de salaire, ou pire des droits fondamentaux, tous ces sujets font l’objet d’une offensive combinée du gouvernement et du patronat contre la population. Il s’agit d’après elle d’une volonté explicite de ces deux acteurs « d’éliminer le pouvoir de la société civile de manière radicale ». Les mots sont forts et cachent une angoisse plus profonde, un sentiment de Cassandre semble poindre dans les propos de la présidente de l’OGBL. La situation est inédite depuis des décennies, c’est extrêmement clair aux yeux des syndicats, mais le reste de la population n’a pas encore pris conscience de cette réalité.

 

Ce manque de prise de conscience est néanmoins à modérer. Jessica Lopes de l’ASTI alerte sur le fait que des catégories de la population sont pleinement conscientes que le vent tourne, en particulier les mères séparées issues de l’immigration qui sont la catégorie la plus précarisée de la population luxembourgeoise. « Aujourd’hui quand une femme de ce groupe social est victime de violence elle est de plus en plus en risque d’être simplement renvoyée dans son pays d’origine. » déclare la militante associative.  A ce titre les syndicats doivent faire un effort conscient pour se mettre en lien et soutenir les revendications de ces catégories souvent peu syndiquées, de l’autre les associations doivent expliquer à quel point, par exemple, la réforme des retraites impactent directement la lutte pour les droits des personnes issues de l’immigration.

 

Une connexion difficile à faire. Non seulement parce que le gouvernement met en place de stratégies de communication pour faire croire qu’il entreprend des actions sur les domaines sociétaux, Jessica Lopes confirmant que si l’on se basait sur les discours des ministres on pourrait se dire que la situation évolue dans le bon sens sur la question du féminisme, mais aussi parce que les associations subissent des pressions sur les financements. En effet les emplois dans les ASBL peuvent dépendre à 80% ou 100% des subsides du gouvernement. A ce titre il y a une tendance à l’auto censure pour ne pas perdre les financements ce qui mine les efforts de convergence.

 

Comment donc connecter toutes ces luttes ? Comment faire comprendre qu’il s’agit d’un seul et même combat ? Les participant.e.s admettent ne pas avoir de recette magique. Des exemples concrets sont cités, que l’on parle de la JIF, de la convergence entre les metallos français et la plateforme pour un devoir de vigilance devant le siège d’Arcelor, ou des ateliers qui ont eu lieu le jour même pour mettre en place des actions communes. Toute la salle est néanmoins consciente d’une chose : une longue bataille se prépare et il va falloir faire cette coalition dans le temps.

 

Reste une question à la fin de la soirée…Quelle stratégie pour gagner ? En 2023 lors de la longue lutte des classes travailleuses françaises contre la réforme des retraites d’Emmanuel Macron l’OGBL avait averti qu’en cas de réforme des retraites au Luxembourg la lutte serait aussi vivace au Grand Duché qu’en France. Problème, la bataille des retraites s’est soldée par une défaite en France, comment éviter un tel destin pour l’intersyndicale luxembourgeoise ? Le leader se veut défiant face à cette perspective, reprenant les mots de Brecht il rappelle que ceux qui se battent peuvent perdre mais que ceux qui ne se battent pas ont déjà perdu. Plus prosaïque, Nora Back insiste sur le fait que le Luxembourg n’est pas la France. Il n’y a pas de 49.3 pour faire passer de force une réforme haïe par l’écrasante majorité de la population active.

 

Le doute est néanmoins permis. Quel est le niveau de radicalisation de la bourgeoisie luxembourgeoise ? A quel point sera-t-elle prête à forcer les choses pour maintenir ses possibilités d’accumuler les richesses ? Seul l’avenir le dira. A l’issue de la réunion, la présidente de l’OGBL admet que l’échec français l’inquiète sur la mobilisation des bataillons de travailleurs et travailleuses venant du Grand Est. A quel point la défaite récente influera sur leur détermination ?

 

« Pour le moment les retours sont bons. » Se rassure-t-elle.

 

« De toute façon en France on a perdu la bataille ! Pas la guerre » lance un délégué OGBL de Volmerange alors qu’il quitte la salle.

 

Le gouvernement est prévenu, la détermination semble au rendez-vous.

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